La Tribune en plein air, dit aussi projet de monument aux ouvriers, 1904 (Envoi de Rome de 2ème année)
Haut-relief, plâtre original, moulage à creux perdu, H : 0,52 m, L : 1,80 m, P : 0,30 m,
inscription : non signé, non daté, inscription : ANTISTHENE, JESUS, COMTE, PASTEUR,
ZOLA, TOLSTOÏ. 1960, famille Bouchard (fonds d'atelier) ; 1984 don à l'Association des Amis de Henri Bouchard ; 1985 musée Bouchard Paris, musée Bouchard, inv. HB 84-0296
Voici ci dessous un détail de l'esquisse du projet de monument aux travailleurs, envoi de Rome de 1904. Bouchard a supprimé la partie architecturale et a gardé dans son atelier tout au long de sa vie la frise isolée.
Lauréat du Prix de Rome en 1901, Henri Bouchard, influencé par les idées sociales de Zola, conçoit durant dès son arrivée à Rome en 1902, un projet de monument dédié aux ouvriers. Alors pensionnaire à la Villa Médicis, Bouchard confie dans une lettre adressée en 1903 à Eugène Bernard son intention de réaliser un ensemble de sculptures pour un monument qu’il qualifie lui-même de « tribune ouvrière en plein air » et en présente l'esquisse comme envoi de Rome en 1904.
Carolus-Duran, Portrait du sculpteur Henri Bouchard, 1906, huile sur toile, 99 x 76.5 cm, La Piscine
Correspondance de henri Bouchard à Bernard, p3
Il s’agit d’un bloc de maçonnerie presque rectangulaire, formant une tribune monumentale en granit, sur laquelle Henri Bouchard réunit une trentaine de travailleurs issus de divers milieux. Parmi eux figurent un laboureur, un serrurier, un verrier, un carrier, un charpentier, un pêcheur, un débardeur, mais aussi un forgeron, un fourreur, un menuisier, un faucheur ou encore un boulanger.
Bouchard y ajoute encore des ouvriers de l’industrie du fer et du charbon, soulignant ainsi l’émergence des nouveaux travailleurs industriels au tournant du siècle. Ces figures, représentées au repos après leurs labeurs, semblent prêtes à écouter, à penser, puis à agir.
Bouchard n’a recours ni à l’allégorie ni au symbole. Aucune action spectaculaire n’anime la scène ; c’est la présence même de ces hommes réunis qui émeut le spectateur. Par leur simple rassemblement, ces figures affirment leur droit à la parole et leur volonté d’agir collectivement. La composition, frontale et en haut-relief, confère à l’ensemble une dimension à la fois dramatique et narrative. Bouchard s’éloigne ici du naturalisme figé des figures de Dalou et de Meunier (voir article « Inspirations »), pour privilégier la représentation d’une communauté solidaire plutôt que celle d’individus isolés.
Cette communauté solidaire d'ouvrier est prête à écouter la voix des hommes dont les noms sont écrits sous la platforme. En effet court une inscription décorative de cinq lignes, énumérant des noms tels que Antisthène, Jésus, Littré, Quinet, Bernard, Bruno, Fourier, Lavoisier, Dolet, Baudin, Comte, Pasteur, Zola, Tolstoï, et bien d’autres. Tous sont connus pour leur non-conformisme, leur liberté de pensée et leur engagement social et humaniste. On remarque l’absence notable d’hommes politiques : ce sont ici les penseurs, les savants et les écrivains que les ouvriers viennent écouter.
Ainsi, la dignité humaine évoquée par ces noms, gravée sous la frise des travailleurs, forme le socle symbolique de l’œuvre. Elle rappelle que le respect de l’homme, quelle que soit sa condition sociale, constitue le fondement même de l’humanité.
Voici ci dessous l'oeuvre avec la partie architecturale :
La version la plus aboutie du projet est présentée, sans grand succès, lors de l’exposition annuelle des envois de Rome à l’École des beaux-arts de Paris en juillet 1906. Le haut-relief conservé à La Piscine constitue un fragment de cet ensemble, qui prenait à l’origine la forme d’une construction architecturale, comme en témoignent plusieurs photographies anciennes.